Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

chronicae bruxellensis

4 août 2014

Le soulier de Mehmet ağa (suite et fin)

 

Peut-être le lecteur attend-il avec quelque impatience la suite de l'histoire de Feridun le pèlerin. La traduction vient de m'être câblée et je la publie sans plus attendre.

 

Allez-vous me raconter si Sarıkaya est bâtie de pierres jaunes1 ? Dit malicieusement le marchand.

Au nom de Dieu clément et miséricordieux, dit Feridun bey car il s’apprêtait à entamer son récit. Je vais vous raconter comment à Sarıkaya, les puissants y récompensèrent les effrontés et punirent les flatteurs.

Avez-vous eu le bonheur de grandir avec vos grands mères? Demanda Feridun bey

En effet ! dit en riant le marchand2.

Mashallah3, poursuivi Feridun bey. Alors elles se souvenaient du temps où les tatars avaient conquis la ville. Leur chef s'était converti et avait pris le nom de Mehmet ağa4. Mais au lieu de se comporter en juste et en sage, comme il est recommandé aux croyants, il se faisait craindre par sa férocité et son ignorance.

Lorsqu'il entra pour la première fois à Sarıkaya, il rassembla les notables sur le maïdan5 pour leur signifier que désormais il était leur seigneur. Tous firent allégeance et le comblèrent de flatteries, car ils étaient marchands et craignaient pour leurs commerces.

 

Feridun bey arrête un instant son récit pour boire un peu de thé avec son hôte. Profitons de cette brève interruption pour en faire de même et sauter les quelques paragraphes qui nous séparent de la suite du récit.

 

Mais un des habitants éleva la voix, poursuiviFerdidun. Va-t'en ! Tu ne me fais pas peur espèce d'âne ! À ces mots il ôta son pâtik6 et le lança en direction du ağa. Aussitôt ses compatriotes l'empoignèrent et le présentèrent au redoutable tatar en lui recommandant de le punir sévèrement.

Mehmet ağa regarda l'effronté longuement puis il parti d'un rire redoutable. Hahaha, voilà une plaisanterie que je trouve fort à mon goût ! J'ordonne que l'on mette cet homme à genoux et qu'on le couvre jusqu'à la tête des richesses de cette bourgade qui me semble bien cossue. Personne ne dira jamais qu'un tatar a laissé sans récompense une marque de courage. Quant à vous qui avez livré votre compatriote en rehin7, présentez-vous devant moi car je vais choisir un châtiment à votre lâcheté. Et Mehmet ağa leur ordonna à chacun des peines si sévères que celui qui fut condamné à avoir la tête tranchée le remercia de sa clémence.

 

La suite du récit ne comporte que quelques détails difficiles à rendre dans cette modeste traduction. Mais je puis assurer au lecteur que Feridun bey et le marchand respectèrent les usages et se remercièrent mutuellement, l'un de son récit et l'autre de son invitation.

 

J'ai bien l'honneur de vous saluer.

1Sarıkaya signifie en effet pierre (kaya) jaune (sarı)

2L'auteur fait ici un usage détourné de la formule familière Allah analı babalı büyütsün (que tu grandisse avec ton papa et ta maman), que l'on souhaite aux nouveaux-nés.

3Que grâce soit rendue à Dieu. La formule accompagne généralement les compliments car ils peuvent attirer le mauvais œil

4Ağa : seigneur féodal

5Maïdan (on trouve aussi meidan) : du persan majdan, place publique du village où se tient le marché

6Chausson de laine

7Rehin, de l'arabe rihan, otage. En espagnol, rehén a la même étymologie .

Publicité
Publicité
19 juillet 2014

Costumbres argentinas

Je m'étais précipité au fond du colectivo pour m'asseoir devant le type qui lisait le Corriere de la Serra, laissant Alberto se débrouiller pour payer son propre ticket. L'inviter maintenant c'était reconnaître qu'il était fauché au risque de raquer le reste de la journée en échange de regards contrits. En bon porteño Alberto avait compris que je l'avais faite à l'américaine et n'insista pas, voyant que je connaissais les usages.

Regarde, triomphe-t-il, le chauffeur c'est gouré, il m'a fait le tarif réduit! C'était sa manière de garder la face devant moi, et le type au journal.

Et moi je l'ai payé en australes1 fis-je pour adoucir sa défaite. Il apprécie la vanne, le type ricane. Nous prenons un air narquois, nous sommes entre connaisseurs.
Je voulais simplement me perdre dans Buenos Aires, me laisser envelopper par l'ombre des arbres, rentrer chez les disquaires, aller de librairie en librairie et quand je serais épuisé, m'asseoir sur un banc pour regarder passer les bus et lire leurs destinations: Belgrano, Constitucion, Palermo, Recoleta, Congreso, Retiro, Rivadabia, Corrientes, Yrigoyen... mes vieux récitaient ces noms en digérant les lasagnes lors des sobremesas dominicales, perdus dans leur nostalgie, sans plus nous voir moi et mon frère, jusqu'à ce que la bouilloire rappelle qu'il est l'heure du mate, que dehors il pleut, que c'est Bruxelles.
Après j'aurais trouvé une rôtisserie, puis un glacier et n'importe quel moyen de perdre du temps jusqu’à ce qu'il soit l'heure d’aller chercher ma cousine pour traîner à Corrientes.
Mais Alberto avait décidé de me coller. Je le détestais pour ça. Et parce qu'il avait les yeux de mon père. Bleus et délavés. La seule chose que les aïeux avaient emporté du shtetl.
Il compensait mon silence par des anecdotes édifiantes sur l'histoire de la Nation :
Sur cet édifice de type néo-classique, je t'invite à admirer la statue du plus grand fils de pute de toute l'histoire d'Argentine. Né en 1889, cet enfoiré c'est illustré par la répression des révoltes paysannes en Patagonie, comme l'a montré le film...
Il lançait quelques regards en coin pour s'assurer que le rital appréciait son érudition et la pureté classique de son argot. Il enchaîne sur quelques réflexions d'ordre péronistes puis évoque son amie danoise.
Mon amie danoise, dit-il avec assez de sous entendus dans la voix pour que l’on comprenne qu’il aurait pu la baiser, Mon amie danoise m'a dit un jour que les Argentins sont les Grecs des temps modernes.
Mouais, dis-je moi j'trouve plutôt que les Grecs étaient le Argentins de l'Antiquité...
Le dottore se marre franchement, Alberto mémorise la tirade et m'accorde une victoire morale.

J'ai bien l'honneur de bous saluer.


1L'austral n'a plus cours en argentine depuis 1991

19 avril 2011

tiens vous étiez là?

Avez-vous pensé que si on faisait fonctionner les centrales nucléaires à l'électricité, on aurait peut-être moins de problèmes?

 

J'ai bien l'honneur de vous saluer.

15 octobre 2009

Le gros nez de Michaël Jackson

Entendu dans une rediffusion d’une quelconque hagiographie télévisée de Michaël Jackson : (…) pendant son enfance, son père se moquait de lui, il le traitait constamment de gros nez (…). Ne voulait-il pas dire nez gros ? Je suis navré, mais fallait pas me tendre une perche pareille.

 

J’ai bien l’honneur de vous saluer.

 

14 octobre 2009

Le soulier de Mehmet ağa

Il se trouvera peut être quelque lecteur assez malveillant pour voir dans ce billet un message détourné à l’intention de l’honorable Gaston Lapoire, lequel est prié de transmettre son numéro au bureau du journal (ou d’envoyer un pneumatique), car j’ai paumé mon GSM et c’est bien gênant tant le besoin d’ingurgiter une carbonnade accompagnée de boissons à base de céréales fermentés dans un certain établissement proche de la chaussée d’Ixelles se fait sentir ces derniers jours. Le précité lecteur a bien raison, ce qui ne le dispense nullement de lire la ci-présente traduction, d’autant qu’il se souvient parfaitement des circonstances authentiques par lesquelles la Providence avait mis ce texte rare entre nos mains.

 

On raconte que Feridun bey avait formé le vœu de se rendre dans la ville de Sarıkaya[1] afin de d’y visiter les türbe[2] de croyants célèbres, car il est connu de tout homme de bien que l’exemple des savants et la piété des saints élèvent les esprits et fortifient les âmes. Alors qu’il cheminait sur la route de Kerkük[3], il rencontra un marchand qui était assis sur le bord du chemin. L’homme l’interpella:

 

-          Bonjour beau frère[4], dit-il, allez-vous loin ou allez vous en Irak[5] ?

-          Je vais à Sarıkaya si Dieu le veut, répondit Feridun qui goûta la plaisanterie.

-          Alors nous marcherons ensemble car voici la route qui va vers cette ville, dit le marchand.

-          Chez nous Turkmènes, ce sont les passants qui vont et non les chemins, plaisanta Feridun.

 

Les deux compères rirent de bon cœur. Ils convinrent que comme ils formaient une société agréable ils se devaient de déjeuner ensemble. Le marchand invita le saint homme à prendre place sur des almuades[6] et des yorgan[7] qu'il avait disposés sur une alfombre[8]. Ils partagèrent le fromage, le pain et les olives en se désaltérant de pastèque et de jus de grenade. Comme il avait rendu grâce au très Haut d'être ainsi rassasié[9]Feridun offrit de déguster les friandises qu'il avait emmenées avec lui et proposa de remercier son hôte en lui faisant un conte.

 

Sucrons-nous la bouche afin que nos paroles y soient douces, dit-il avant de se recommander au Miséricordieux car il s'apprêtait à entamer son récit.

 

Le lecteur recevra la suite du récit mercredi prochain par l’aéroplane de 8:32.

 

J’ai bien l’honneur de vous saluer.



[1] La tradition situe généralement les contes de Feridun le pèlerin dans une  région située entre le Syrie et la Turquie et parfois le nord de l’Irak. Les ouvrages conseillés en pareille circonstance ne renseignent aucune ville du nom de Sarıkaya, mais le texte semble indiquer que nous sommes en Irak.

[2] Türbe : tombeaux de personnages s’étant distingués par leur piété. La coutume veut que l’on y prie afin d’y exaucer des vœux.

[3] Kirkouk

[4] Enişte : beau-frère. L’usage veut que les turkmènes s’interpellent comme les membres d’une même famille.

[5] Irak gidiyom’mı, la langue française rend très difficilement la finesse de ce calembour, en turkmène ırak signifie loin et désigne le pays (Irak). Nous avons renoncé à traduire les contrepèteries du texte car il ne faut pas déconner non plus.

[6] coussin

[7] tissus servant de nappe et de baluchon

[8] Tapis d’origine persane

[9] Yarabi şükür (on trouve aussi : I-arabbi şükür), littéralement : que Dieu soit remercié, se prononce à la fin d’un repas copieux et en éructant très légèrement pour exprimer sa satisfaction.

Publicité
Publicité
26 juin 2009

Entendu de mes propres yeux sur la Première au

Entendu de mes propres yeux sur la Première au sujet de la mort de Michaël Jackson: La foule se masse devant l'hopital... on comprend pourquoi tant de gens se sentent touchés.

J'ai bien l'honneur de vous saluer.

1 avril 2009

Le chameau

Dès son entrée il remplit mon bureau de son odeur de pauvreté et d’une voix ravagée dont l’accent trahit des origines tournaisiennes et des années à trainer dans les bas-fonds de Bruxelles. Je comprends tout de suite que je peux pas faire grand-chose pour lui. Il a cinquante piges, il est presque illettré et il a passé plus de la moitié de sa vie entre la rue et la prison, sans compter quelques années à exercer comme videur dans des bars à putes. Alors je le laisse parler parce que ça a l’air de lui faire du bien et qu’il en demande pas plus. Il parle des femmes qui l’ont trahi, du milieu bruxellois des années 70, de la misère et me récite des poèmes qu’il compose et qu’il retient par cœur. Et comme il voit que je suis bon public il me pose une devinette :

Lui : tu sais quelle est la différence entre un chameau et moi ?

Moi (un peu sournois, il est vrai) : non vraiment, je ne vois pas…

Lui : le chameau peut travailler 15 jours sans boire, moi je peux boire 15 jours sans travailler.

J’ai bien l’honneur de vous saluer.

25 février 2009

Il peut arriver beaucoup de choses à un

Il peut arriver beaucoup de choses à un conseiller en insertion socioprofessionnelle, notamment de rencontrer un usager qui voulant lui faire comprendre à quel point son logement est insalubre l’exprime en ces termes :

Faut pas croire qu’on est bien logé, chez moi c’est comme votre bureau, c’est vieux et c’est difficile a chauffer.

Il lui peut arriver aussi de se faire tagger à son insu et de devoir rendre la politesse à madame Rennard et de tagger à son tour rue 89, le site de la bas si j’y suis, le podcast de mon pote dj Quilombo (en live le 6 mars à Globe Aroma, rue des Alexiens, 16 – 1000 Bruxelles), le site du Dolle Mol, un des établissements les plus respectables de la capitale où il se chuchote que l’on peut me trouver de temps à autres, le nouveau et l’ancien blog de monsieur Houzeau, voilà ça fait sept. Je ferais remarquer à la précitée madame Rennard (qui me traite de feignasse) que si elle a des vieux réflexes de prof, moi j’ai des réflexes de mauvais élève et qu’ils me viennent mécaniquement. Car je suis un potache automate.

J’ai bien l’honneur de vous saluer.

31 décembre 2008

Bonne année et que le miel vous coule dans la

Bonne année et que le miel vous coule dans la bouche afin que vos paroles soient toujours sucrées.

J'ai bien l'honneur de vous saluer.

23 décembre 2008

Le système du docteur Bolkestein

Cher lecteur, la nouvelle semble à peine croyable tant elle est inattendue mais les informations qui parviennent sur nos téléscripteurs depuis ce matin ne laissent aucun doute à ce sujet. Les autorités nous ont communiqué que ce blog ne respecte pas la directive Bolkestein. Englué dans des privilèges d'un autre âge, montrant une résistance obstinée au changement, témoignant même d'une certaine sympathie pour les anarcho-autonomes, l'auteur avait ignoré jusqu’à présent d'appliquer la directive relative aux libertés d'établissement des prestataires de service et à la libre circulation des services dans le marché intérieur. Ne pouvant plus se défiler, il lui a fallu passer un appel d’offre remporté semble-t-il par une société roumaine, il ne nous est pas permis d’en révéler le nom à cette heure, qui sera chargée désormais de rédiger les articles. Les dits articles, préalablement expurgés de toute forme de calembour et contrepet qui représentent une forme de concurrence déloyale, seront rédigés en roumain. Quoique, si les rumeurs d’achats de la société précitée par un groupe indien se confirment, la rédaction sera délocalisée au Bengladesh connu pour ses coûts de production avantageux. Le consommateur final bénéficierait alors d’un prix d’achat très intéressant qui compenserait le léger inconfort que représente la lecture d’articles en bengali.

J’ai bien l’honneur de vous saluer.

Publicité
Publicité
1 2 3 4 5 6 7 8 9 > >>
chronicae bruxellensis
Publicité
Archives
Publicité